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micro symbole du passage de l'oral

Le Grand Oral du bac : mieux le comprendre pour mieux le préparer

Qu’ont en commun le souvenir de notre maman qui nous lisait le conte du Petit Chaperon rouge le soir, celui de notre première page de lecture à haute voix, celui de notre première déclamation de l’Albatros devant une classe plus ou moins silencieuse (je me souviens avoir pensé être probablement aussi maladroite et honteuse que ce bel oiseau de mer) et plus tard, bien plus tard, notre premier entretien d’embauche ?

L’oralité bien sûr !

Le mot est lâché et pour nos élèves de Première il est d’actualité puisque les modalités du grand oral viennent d’être présentées par Jean-Michel Blanquer. Elles sont détaillées dans le bulletin officiel du 13 février et les instructions vont progressivement être transmises aux élèves.

Mis à part la présentation générale de la refonte du bac, on ne disposait jusqu’ici que de très peu d’informations sur cette épreuve qui, même si les élèves la redoutent, n’est pas tombée de n’importe où et prend son sens à la lueur de ce qui se vit déjà « sur le terrain ». Certains diront que cette nouvelle épreuve sort de nulle part. Laissons les grincheux entre eux et regardons ce qui se vit déjà dans le quotidien de nos élèves. Les professeurs le savent, on ne s’invente pas grand orateur du jour au lendemain et c’est bien depuis les petites classes que nos futurs bacheliers s’essaient à l’art oratoire.

Maman qui faisait des voix pour rendre le loup plus méchant et Mère Grand plus fragile me permettait non seulement de mieux comprendre l’histoire mais aussi, intuitivement, de comprendre l’importance de l’intonation, du rythme, du souffle. Découverte importante, puisque c’est par le jeu de l’imitation que l’enfant explore sa voix, les différentes intonations, les obstacle phonologiques et parfois linguistiques… Par le jeu et l’imitation encore, l’enfant en bas âge prépare une compétence qu’il n’aura de cesse de solliciter à l’école : l’oralité. Une maman qui lit une histoire à son enfant est donc la première pierre qui pave le long chemin menant à une des épreuves phares de la réforme du bac.

« Oral » … Nous y voilà ! Soyons honnêtes, pour beaucoup l’oral fait peur… Pour autant, le manque d’aisance à l’oral peut être un frein à tout âge, et dans toutes les strates de la société : un frein à une meilleure intégration dans un groupe, un frein à une évolution professionnelle, un frein à un développement d’un projet personnel. Avez-vous déjà essayé de défendre votre demande de prêt pour la maison de vos rêves devant un banquier grognon… ?. Depuis longtemps les programmes de l’Education Nationale accordent une place importante à l’exercice de l’oralité, et ce, dans toutes les disciplines et à tous les niveaux. Si la pratique est pour certains une évidence, elle est pour d’autres plus problématique.

Fort de ce constat, le projet du Grand Oral vise à permettre à chaque élève de gagner en aisance, en méthodologie et en plaisir d’expression.

Notre Albatros sur lequel Baudelaire nous a tant fait trébucher était, sans nul doute un de nos premiers exercices de grand oral. Trouver le bon ton, le bon rythme, placer les silences au bon endroit … c’est à ce prix que l’on captive son auditoire et si certains remettent en cause l’exercice de mémorisation qu’est l’apprentissage d’une poésie, personne ne peut douter de son intérêt dans l’exercice de prise de parole en public. Plus tard, l’élève s’exerce à l’oral par ses prises de parole en classe au quotidien, lors des exposés et des jeux de rôles souvent proposés en langues vivantes. Vient ensuite, en fin de collège et au lycée l’exercice du débat qui plait généralement beaucoup : il permet aux plus introvertis de rester silencieux et aux autres de s’engager sans peur de la note. Argumenter, structurer sa pensée, écouter pour mieux rebondir… voilà des compétences qui se gagnent petit à petit. Les cours de philo et souvent de langues peuvent ainsi être le terrain de joutes verbales plus ou moins bien cadrées. Les cours de sciences ne sont pas en reste puisque certaines séquences de travail mettent les élèves en situation d’expérimentation avec prise de note et restitution au groupe-classe des étapes de l’activité, tout en veillant à rendre les notions abordées accessibles à tous. Enfin, le TPE, épreuve redoutée de nos bacheliers « ancienne version » peut être considérée comme l’ancêtre du grand oral. Tout est lié…

L’oral est donc partout ! N’oublions dans notre démonstration, l’épreuve de français. Notons toutefois une différence importante dans le cadre de la réforme du bac : la place de la lecture à voix haute. Les anciennes directives de l’épreuve précisaient : « Le candidat fait une lecture à haute voix de la totalité ou d’une partie du texte à étudier ». Les nouvelles instructions sont plus détaillées : « Le candidat propose d’abord une lecture à voix haute juste, pertinente et expressive du texte choisi par l’examinateur ». Lecture à voix haute … juste… pertinente et expressive ! Nous revoilà (si on force le trait) avec la grosse voix du loup et la voix chevrotante de Mère-Grand ! Une lecture de bonne qualité associée à une bonne mise en situation de l’extrait dans l’œuvre assurera déjà deux points à notre candidat. On constate facilement ici que les compétences de l’oralité sont de plus en plus mises en avant et attendues chez nos lycéens.

Dans son rapport remis au ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse le 19 juin dernier, Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po, recommande que le grand oral permette « de rendre manifeste les compétences construites en amont ». Le bât blesse quant on lit un peu plus bas ses recommandations de formation des enseignants. Monsieur Delhay recommande également de dédier deux fois deux demies-journées par an à la pratique concrète de l’oral (voir détails dans son rapport). Sur une scolarité sans accroc courant du CP à la Terminale, ce sont donc 24 journées dédiées uniquement et spécifiquement aux pratiques d’oralité (soit 6 semaines à raison de 4 jours de classe par semaine) qui viendraient s’ajouter aux pratiques quotidiennes. Beau projet ! Hélas, la « promo 2021 » (et les suivantes) ne bénéficiera pas d’une telle préparation.

Alors… comment se préparer ?

Tout d’abord rappelons rapidement les instructions données pour ce Grand Oral du Bac :

  • 20 mn de présentation qui suivent 20 mn de préparation,
  • Deux questions présentées autour des spécialités retenues en Terminale (pour les bacs généraux, les spés pourront être traitées de manière transversale ou isolément, pour les bacs technos, seule une spé pourra être retenue) et validées par les enseignants de l’année
  • Un entretien en 3 temps : 5 minutes pour développer son argumentation (il s’agit de s’engager et de convaincre), 10 mn pour élargir la réflexion à travers une discussion ouverte avec le jury (élève et jury sont alors dans le dialogue ce qui sous-entend aussi une bonne qualité d’écoute de la part de l’élève) et 5 minutes d’ouverture et de mise en perspective (il faut ici revenir sur sa réflexion et sa mise en actes prochaine en revenant sur les différentes étapes de la maturation de son sujet et en expliquant en quoi la question traitée éclaire le candidat sur son projet de poursuite d’études.)
  • Si la question traitée concerne un enseignement de langue, une partie de l’entretien peut se dérouler dans la langue étudiée.
  • Une note sur 20, portant un coefficient 10 pour les filières générales et 14 pour les filières technologiques.

Pour bien se préparer, il convient d’abord de bien comprendre ce qui est attendu de l’élève. Les deux sujets présentés au jury doivent chacun et individuellement faire écho à la personnalité de l’élève, à ses centres d’intérêt. La question a vocation à être débattue : il n’est pas attendu de l’élève qu’il apporte une réponse stricto sensu à celle-ci mais plutôt qu’il soit capable d’expliquer pourquoi, selon lui, cette question a le mérite d’être posée au regard de ses implications dans le monde. Même si la question n’est pas en lien avec l’actualité, c’est le fait de prendre une position qui est intéressant dans l’exercice. Le propos devra bien entendu se nourrir des disciplines étudiées dans l’année et être en lien direct avec les programmes du cycle, mais il devra être incarné, mis à la portée du public (le jury), et s’appuyer sur les lois fondamentales de l’art de la parole.

Qu’attend-on du candidat ?

Le jury sera amené à juger la pertinence du propos certes mais d’autres compétences seront évaluées :

  • Capacité à mobiliser ses ressources : respect du temps imparti, fluidité et débit de parole, engagement vocal (ni trop bas, ni trop fort), coordination physique (la prise de parole n’est pas une démonstration de théâtre mais un bon orateur sait joindre le geste à la parole, poser son regard, rester tonique et mobilisé…).
  • Clarté et pertinence du propos : propos clairs et convaincants, maîtrise du contenu (pas de digression), rigueur intellectuelle, capacité à enrichir son propos au regard des remarques énoncées par le jury …
  • Qualité de l’interaction : propos rythmés tenant compte de l’auditoire (trouver le bon tempo : ni trop lentement, ni trop vite), maîtrise des silences, regard attentif (le « regard qui écoute »), prise de parole à bon escient (on ne coupe pas la parole !), respect de son auditoire (cela va sans dire mais une politesse sans faille est évidement attendue).

Quelles sont les compétences sous-jacentes à cet exercice de prise de parole devant un public inconnu ?

Si on se risque à une analogie avec le monde professionnel, ce grand oral ressemble beaucoup une présentation devant sa hiérarchie ou un parterre de clients à conquérir. Nous, parents, avons peut-être déjà été confrontés à cet exercice, ce n’est que rarement le cas de nos lycéens. Ainsi, pour les aider à se préparer, il convient de les aider à prendre conscience que la maitrise de l’oral met également en jeu des réactions de notre corps. Seule une bonne préparation peut aider à maitriser celui-ci (comme un coureur qui ne s’inscrit pas au Marathon de Paris sans préparation, le grand oral ne se passe pas sans des heures de répétition).

Il convient donc d’acquérir des techniques oratoires :

  • Avoir conscience de sa respiration : le stress généré par l’exercice accélère le rythme cardiaque et /ou peut provoquer une hyperventilation donnant le sentiment d’essoufflement.
  • Savoir utiliser sa voix, sans forcer : poser sa voix (en situation de stress) est un exercice difficile
  • Maitriser les mouvements de son corps ou « mouvements parasites », maitriser sa posture (se tenir droit sans rigueur excessive)
  • Savoir placer son regard et amener les deux membres du jury à soi (n’en regarder qu’un serait par exemple implicitement exclure l’autre de la présentation)
  • Maitriser son niveau de langue et supprimer les mots parasites et tics de parole
  • S’exprimer sans réciter pour ne pas tomber dans une sorte d’écrit oralisé qui défigure le propos et fait perdre en pertinence et en intérêt pour l’auditoire

Ainsi, bien préparée, la pratique de l’oral doit mener l’élève, adulte en devenir, à prendre la parole de manière libre, responsable et autonome, ne craignant ni l’expérimentation ni la prise de risque. Tel le chef d’œuvre marquant la fin de formation d’un artisan, le grand oral marque la fin d’un cycle de scolarité et ouvre à de nouvelles aventures, de nouveaux apprentissages, de nouvelles découvertes.

Un dernier conseil ? J’en donnerai deux. Croire en la bienveillance du jury qui sait que prendre la parole est une prise de risque, un moment d’exposition et se préparer encore et encore avec minutie et sérieux tout en gardant à l’esprit la formule de Churchill :

« Mes meilleures improvisations sont celles que j’ai le plus préparées ».

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Cécile Altherr.

Consultante en orientation scolaire Eurêka Study, Yvelines

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