Reforme d’APB, décryptage pragmatique pour les lycéens et leurs parents.
Les nouvelles modalités d’accès aux études supérieures ont été dévoilées dans le « Plan Etudiants » du gouvernement.
Quelques points de repères essentiels pour les lycéens et leur parents qui vont, dès cette année, expérimenter cette nouvelle « moulinette ».
Comment se passeront les dossiers de candidatures pour le post-bac?
Les inscriptions continueront à être gérées par une plateforme centralisée. Elle ne s’appellera plus « APB ». On connaîtra son nouveau nom en janvier (choisi de manière participative).
Les formations «hors APB » ne sont pas concernées par la réforme et continueront à fonctionner comme avant. Par exemple, les concours ACCES, SESAME des écoles de commerce post-bac, les candidatures auprès de Dauphine, les prépas ECE et ECS privées hors contrat, certaines écoles d’ingénieur post bac … se font en dehors de la plateforme.
Sur la nouvelle plateforme Post-Bac, le Lycéen aura droit à moins de 10 vœux (le nombre exact n’est pas totalement arrêté à ce jour), toutes formations incluses, sélectives et non-sélectives. Ses vœux seront non hiérarchisés.
Deux grandes modifications donc :
1 – Moins de vœux possibles (deux fois moins que l’année dernière).
Moins de 10 voeux. C’est peu.
Par contre, le principe de formations groupées sera maintenu quand cela est possible ; par exemple « DROIT île de France » comptera pour un vœu.
Il faudra donc que l’élève soit mûr quant à son projet d’orientation car le faible nombre de vœux ne permettra plus de multiplier les possibles.
Il faudra aussi bien choisir ses dix uniques vœux pour être cohérent avec le profil de l’élève, car les principes de sélection vont s’étendre (cf infra). L’élève devra donc être pointu en formalisant un bon mix, entre des formations un peu « challenging », des formations auxquelles il peut normalement prétendre compte tenu de son dossier, et deux ou trois formations de « sécurité ».
2 – Fini le casse-tête de la hiérarchisation des vœux et les rendus obscurs des algorithmes d’APB qui avaient été pointés du doigt par la CNIL. C’est un grand « Ouf » de soulagement!
L’élève recevra donc une réponse de tous les établissements pour lesquels il candidate. Les filières sélectives pourront répondre « oui », « non », ou « en attente ». Les filières non-sélectives pourront répondre « oui » « oui –si » (acceptation sous condition de parcours pédagogique spécifique – cf infra) ou « en attente ».
L’élève pourra ainsi avoir (normalement) des propositions positives pour tout ou partie de ses candidatures et choisir parmi les « oui » qu’il recevra.
Si l’élève n’a aucune réponse positive (parce que, par exemple, il n’aura mis que des filières sélectives – trop sélectives), la Commission d’Accès au Supérieur, présidée par le recteur d’académie, fera des propositions proches de ses vœux initiaux (mais pas forcément identiques …). Elle aura aussi le pouvoir d’affectation dans un établissement.
Il y aura des contraintes de temps : les vœux seront à saisir entre le 15 janvier et fin mars. La réponse des établissements seront publiés courant mai et l’élève devra donner rapidement une réponse d’acceptation de proposition (raison supplémentaire pour que le projet d’études de l’élève soit bien mûri).
Comment les établissements du supérieur traiteront-ils les candidatures ?
Parmi les formations passant par la plateforme Post-Bac, il faut distinguer deux types de formations :
- Les formations sélectives : CPGE, BTS, DUT, écoles post-bac avec concours d’entrée, double-licence …. Ces formations sélectives gardent le droit de refuser des candidats. Comme avant, elles fonctionneront avec un système de dossier de candidatures (CV, lettre de motivation et parfois entretien). Pour elles, pas de changement : elles pratiquent une sélection à l’entrée.
- Les formations non-sélectives (les licences universitaires « classiques, PACES …), sont celles dont le fonctionnement va être impacté par la réforme. En substance, chaque élève aura un dossier de candidature pour chacune des formations qu’il présentera. Tant que la filière n’est pas en sur-demande, tous les candidats sont pris – mais certains le seront sous conditions de parcours pédagogiques spécifiques (par exemple, un parcours de remise à niveau dans certaines matières). Quand la filière est en sur-demande par rapport à sa capacité d’accueil (type PACES, STAPS), une sélectivité s’opère sur la base du dossier de candidature de l’élève évalué par rapport à des « attendus » formulés par l’établissement.
Plus en détail :
Les filières non-sélectives vont afficher officiellement des « attendus » pour leur formation. Ces attendus sont un ensemble de compétences et de connaissances que l’établissement juge nécessaires pour réussir dans la filière.
Par exemple, pour la filière STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), les attendus sont les suivant :
- Des compétences scientifiques (notes dans les matières scientifiques)
- Des compétences d’expression écrite et d’argumentation (notes du baccalauréat de Français et notes dans les matières littéraires)
- Des compétences sportives attestées soit par des notes d’EPS, soit par la participation régulière en UNSS (Union National du Sport Scolaire), soit en club (licence fédérale), soit par un statut de sportif de haut niveau …
- Avoir un investissement associatif ou des responsabilités collectives ; par exemple, avoir le BAFA, un travail d’animateur en club sportif…
Les filières non sélectives ne peuvent pas refuser l’entrée d’étudiants tant qu’elles ont de la place. Par contre, si l’élève ne remplit pas les attendus, il est possible qu’elle conditionne son acceptation à un parcours pédagogique (suivre des cours de remise à niveau, par exemple). L’élève reçoit comme réponse « OUI – SI ».
Quand il y a plus de candidats que de places, il n’y aura plus le tirage au sort – que les candidats à PACES et STAPS ont connu cette année. Les filières non-sélectives seront alors en droit de faire une sélection de candidats. La sélection se fera par évaluation des dossiers de candidatures au regard des attendus de la formation.
Nous ne rentrerons pas ici dans le débat qui fait rage sur ce principe de sélection pour des universités publiques. Par contre, il nous semble que l’approche a du bon sens :
- L’évaluation du dossier de l’élève permet de détecter et de proposer des parcours pédagogiques adaptés, soit avec remise à niveau, soit parfois avec des cursus accélérés, comme le pratique déjà la faculté de droit de Paris II Panthéon-Assas. Ce principe de cursus sur mesure en licence fait partie de la réforme du Plan Etudiants, qui remet à plat la licence pour qu’elle gagne en modularité et en taux de réussite – réforme que nous aborderons dans un prochain article.
- Si sélection il doit y avoir, il paraît logique qu’elle se fasse selon des critères en cohérence avec la formation visée.
- Par ailleurs, la prise en compte d’éléments hors dossier scolaire (vie associative …) permet enfin de « récompenser » des jeunes qui s’investissent aussi ailleurs que dans leurs études.
Lire aussi: Parcours sur mesure en université, l’exemple de Panthéon-Assas? |
Donc, concrètement, les lycéens auront à constituer un dossier de candidature pour chacune des formations qu’ils présenteront. Ce dossier de candidature, spécifique à chacune des formations demandées, comprendra :
- La « Fiche Avenir » établie par le lycée (cf infra) comprenant les notes scolaires de 1ere, du T1 et T2 de terminale, les notes des épreuves anticipées du bac, mais aussi les avis du proviseur de l’établissement et du conseil de classe concernant l’aptitude de l’élève à la formation choisie. Il y aura une fiche Avenir spécifique pour chaque candidature.
- Des éléments de candidatures demandés par l’établissement en lien avec les attendus qu’il aura officiellement affichés (CV, lettre de motivation, licence de club sportif, présentation d’un projet personnel ou associatif, suivi en prérequis d’un MOOC …)
Comment le lycée va-t-il accompagner ses élèves dans leur orientation ?
Le Plan Etudiants annonce un renforcement des mesures d’accompagnement par les lycée assorties de moyens supplémentaires.
Actuellement chaque classe de terminale a un professeur principal qui, entre autres missions, accompagne les élèves dans leur réflexion sur leur orientation. La réforme prévoit qu’il y aura deux professeurs principaux. Un deuxième professeur devra donc être nommé dès le mois de décembre 2017. Il est fort probable que chacun de ces professeurs principaux accompagne une moitié de la classe.
Les professeurs principaux renseigneront les « Fiches Avenir » qui accompagneront chacun des vœux formulés par les lycéens.
Le conseil de classe va jouer un rôle renforcé et deux semaines seront consacrées à l’orientation :
- Dès le conseil de classe du T1, les intentions d’orientation seront demandées à l’élève et des recommandations / indications lui seront données pour poursuivre ses réflexions et investigations.
- Suite au conseil de classe du T1, une semaine de l’orientation sera organisée au sein de l’établissement visant à mieux faire connaître les métiers et les études supérieures qui y mènent.
- Une deuxième semaine de l’orientation est organisée avant les vacances d’hiver (janvier/février), et avant la fin de saisie de vœux – en même temps que la plupart des journées portes ouvertes des établissements.
- Lors du conseil de classe du T2, le conseil de classe examine les vœux de l’élève afin de contribuer aux avis portés par le chef d’établissement. Ces avis sont formalisés dans la Fiches Avenir, transmises aux formations auprès desquelles l’élève candidate. Auparavant les avis formulés ne concernait que les filières sélectives (les prépas, DUT …); maintenant un avis sera formulé sur toute les filières, y compris les non-sélectives.
Les élèves et les équipes pédagogiques des lycées pourront utiliser les ressources numériques de l’ONISEP qui vont, elles aussi, être étoffées avec :
- Un nouvel espace dédié aux terminales.
- Un service de conseil personnalisé sur monorientationenligne.fr (échanges par tchat, mail ou téléphone avec des conseillers d’orientation.)
Les lycées vont donc avoir les moyens d’être mobilisés autour de l’orientation des élèves. Tant mieux car les professeurs ont souvent une bonne connaissance de leurs élèves en situation d’apprentissage. Les interactions qu’ils peuvent avoir avec eux vont les aider à mûrir leur choix d’études supérieures. Cet accompagnement s’inscrit dans la droite ligne du Parcours Avenir mis en place dès le collège.
Lire aussi: Le Parcours Avenir, c’est quoi? |
Quelques réserves cependant :
- Comme le fait remarquer Christine Jarrige, psychologue de l’éducation nationale (les ex-CIO, Conseiller d’Information et d’Orientation ) et membre du SNES, leur syndicat majoritaire (1), il est difficile de se tenir au courant des évolutions des métiers et des formations. D’autant que les universités, du fait de leur plus grande autonomie, développent des licences avec des tonalités et des spécificités propres. Suivre cette actualité des filières est un métier à part entière… qu’on demande à un enseignant de faire en plus de tout le reste. Les CIO, dont le nombre ne va pas augmenter (1 conseiller pour 1500 élèves), expriment donc leurs doutes sur le sujet.
- On sait que le relationnel entre un élève et son professeur principal ou son conseil de classe peut être tendu parfois; il peut, en effet, exister des passifs relationnels (rapport à l’autorité, comportement d’opposition …) qui crispent cette relation et qui, malheureusement, peut maintenant impacter sur la totalité des avis communiqués sur les Fiches Avenir.
Le nouveau calendrier annoncé autour du processus d’orientation en Terminale renforce notre conviction chez Eurêka Study, que la réflexion sur l’orientation doit se faire durant l’année de première.
C’est l’année où il faut, calmement et sans pression, définir la filière d’études supérieures envisagée. L’élève peut alors prendre le temps de se connaître, de se renseigner en allant aux journées portes ouvertes des écoles, aux salons et peu à peu se positionner en se projetant – ou non – dans les cursus et métiers qu’il y découvre.
Ce processus est aussi un formidable moyen pour qu’il s’approprie son orientation et qu’il y trouve un (re)gain de motivation pour ses études. Les années lycées peuvent, en effet, être un cap difficile dans le passage à l’âge adulte. Les études peuvent, hélas, en pâtir. Ce projet dans son orientation donne un tout autre sens aux études et aux bulletins de notes de Première! Et l’on sait combien ce bulletin est vraiment important dans les dossiers de candidature …
Lire aussi: Comment aider son enfant à s’orienter? |
Bref, parents de lycéens, notre meilleur conseil: accompagnez vos enfants dans la définition de leur orientation dès la première. Ils seront ainsi fin prêts pour le conseil de classe T1 de terminale!
(1) Source: JDD – « les conseillers d’Orientation, les oubliés de la réforme d’APB », JDD – 30/10/17